Manifeste de ma collection : « Derrière le sourire de Negrita : Ce que raconte une icône »

Derrière le sourire de Negrita : Ce que raconte une icône

Le nom de Bardinet n’est pas pour moi celui d’une simple marque trouvée au hasard des brocantes. C’est le nom de mon arrière-arrière-grand-père, Edouard, qui succéda à son père Paul, le fondateur. C’est une histoire de famille, une présence dans les récits de mon grand-père (que je n’ai jamais eu le plaisir de connaitre), François Barennes, et de mon oncle Dominique qui y consacrèrent leur carrière. C’est une histoire devenue concrètement la mienne lorsque, adolescent, j’ai hérité des parts de la société qui appartenaient à mon arrière-grand-mère, Michèle Barennes. j’ai alors commencé a arpenter les brocantes et autres greniers familiaux.

Cet héritage a été le point de départ d’une quête personnelle, presque une enquête. Celle de retrouver, objet par objet, les traces de cette aventure industrielle et familiale. C’est précisément parce que cette histoire est la mienne que j’ai ressenti le besoin de la comprendre dans toute sa complexité, au-delà des anecdotes. mon apétence pour les arts graphiques appliqués aux sujets de consommation a fait le reste.

Explorer la collection Bardinet, c’est donc me confronter à un héritage : celui d’une réussite formidable, mais aussi celui d’une époque, la France coloniale, avec les représentations qui lui sont propres. Cet article est le fruit de cette démarche intime : regarder derrière le sourire de l’icône pour comprendre ce qu’elle raconte de mon histoire, et par extension, de la nôtre.

 

L’Héritage d’une Intuition (1857-1914)

En plongeant dans les archives, l’histoire de mon trisaïeul, Paul Bardinet, se dessine. En 1857, à Limoges, ce liquoriste de génie a une intuition qui va tout changer. Il s’intéresse au « tafia », cet alcool de canne brut qui arrive des colonies, et que personne ne valorise vraiment. Il imagine de l’élever en fûts de chêne, comme les grandes eaux-de-vie. Il invente non pas le rhum, mais l’art de le rendre noble.

Le succès est rapide et impose une décision stratégique : quitter Limoges pour s’installer à Bordeaux en 1895. Se rapprocher du port, c’est se rapprocher de la matière première des Antilles, mais aussi s’immerger dans une culture de l’excellence, celle des grands vins. C’est dans ce contexte foisonnant que l’histoire de l’entreprise croise la grande Histoire de France. En 1886, l’icône « Negrita » est née, puisant son inspiration dans l’imaginaire d’une IIIe République en pleine expansion coloniale, fascinée par un exotisme qui fait rêver… et vendre.

L’Âge d’Or de l’Icône : Une Saga Familiale et Française (1920-1970)

Sous l’impulsion de mon arrière-grand-père, Edouard, puis des générations suivantes, la marque devient un phénomène national. Le génie de la famille fut aussi de s’entourer des meilleurs artistes publicitaires. Dans l’effervescence des Années Folles, Max Camis donne à l’icône ses lettres de noblesse Art Déco. Après-guerre, l’affichiste Bernard Villemot la réinvente, avec des couleurs vives et un style épuré qui incarne l’optimisme des Trente Glorieuses.

Chaque objet que j’ai pu retrouver – du cendrier au pichet, de la plaque émaillée au buvard d’écolier – raconte cette période d’âge d’or. La marque s’est installée au cœur du quotidien des Français, devenant une présence familière, un symbole de convivialité et de la culture populaire qui a marqué mon grand-père et mon oncle dans leur travail au sein de l’entreprise.

Regarder l’Histoire en Face : Contexte et Responsabilité

Comprendre mon héritage m’imposait de ne pas m’arrêter à l’image d’Épinal d’une réussite familiale. Il me fallait regarder l’icône Negrita avec les outils de l’historien et la lucidité d’aujourd’hui.

Il est impossible de dissocier cette imagerie du contexte colonial qui l’a vue naître. Les travaux d’historiens comme ceux du groupe de recherche ACHAC (Pascal Blanchard, Nicolas Bancel) sont ici éclairants. Ils montrent comment la publicité de cette époque a forgé et diffusé des stéréotypes, comme celui de la « doudou » : une figure féminine souriante, exotique et dévouée, qui offre une vision pacifiée et enchantée des colonies.

Il ne s’agit pas de juger mes ancêtres avec nos yeux d’aujourd’hui. Ils étaient des hommes de leur temps, des entrepreneurs audacieux qui utilisaient les codes de leur époque. Mais il s’agit de reconnaître que leur succès s’est aussi construit dans ce cadre – celui de la France coloniale – dont les représentations nous interrogent légitimement aujourd’hui.


Un Héritage à Transmettre

Alors, que faire de cet héritage complexe ?

Ce serait une erreur de ne voir en Bardinet qu’un symbole de l’imagerie coloniale, tout comme il serait une erreur d’ignorer cette dimension. La vérité est dans la nuance.

Mon rôle, en tant que descendant et collectionneur, n’est pas d’être un juge, mais un passeur de mémoire. Ma responsabilité est de présenter cette histoire dans toutes ses dimensions : célébrer le génie entrepreneurial et l’innovation de mes aïeux, admirer le talent des artistes qui ont accompagné la marque, et fournir les clés pour comprendre le contexte historique qui a rendu cette icône possible.

Cette collection n’est donc pas un sanctuaire glorifiant un passé idéalisé, mais un lieu de dialogue. Un espace pour montrer, expliquer et comprendre. C’est, je crois, le plus grand hommage que je puisse rendre à l’histoire de ma famille.

1857 : Tout est parti de Limoges

1884 : Dans sa distillerie installée depuis 1857 au cœur de la ville, Paul Bardinet élabore une nouvelle mixture. À cette époque, près de 50 liquoristes limougeauds vendent des breuvages issus d’associations entre vins, cognacs et eaux de vie. Paul Bardinet va se démarquer en créant un mélange exceptionnel : Le rhum « La Negrita », marque déposée en 1886. 

L’habillage des bouteilles, enjolivé par la représentation d’une jeune femme, débute en 1893, avec l’artiste Max Camis, créateur de nombreuses affiches. Cette iconographie est l’une des plus vieilles de la publicité française. Elle deviendra l’identité de la marque La Negrita, avec notamment la célèbre affiche de Bernard Villemot. 

Pourquoi Negrita ? Dès le XIXe siècle, le rhum Negrita est associé à un visage, celui d’une jeune créole antillaise.

C’est d’ailleurs ce visage qui donne son nom au rhum. Au départ, « Negrita » est un surnom trouvé par les Espagnols : voyant le visage dessiné sur la bouteille, ils demandent à goûter « el ron de la negrita », le rhum de la petite créole.

 

 

 

 

Pendant de nombreuses années, la distillerie Bardinet prospère à Limoges. La famille exerce désormais son activité rue des Argentiers, où elle a fait construire une belle maison bourgeoise.

Puis, afin de développer son affaire tout en minimisant les frais de transport et d’importation, Édouard Bardinet. le fils de Paul, saisit l’opportunité des réseaux bordelais de sa mère pour s’implanter définitivement dans la capitale girondine. La nouvelle distillerie est établie dès 1895 sur le quai des Chartrons.

À l’instar du rhum Negrita, présent dans tous les foyers au moment des crêpes, le nom de Bardinet rayonne encore aujourd’hui à l’international, là distillerie proposant désormais de nombreux produits, comme les rhums Old Nick et Dillon.

 À Limoges, sur la quarantaine de fabricants présents au début du XX » siècle, seule La Distillerie du Centre, propriété depuis 1908 de la famille Nouhaud, fait perdurer jusqu’à aujourd’hui le savoir-faire artisanal des liquoristes.

Quant à la propriété de la rue des Argentiers, elle est devenue un hôtel particulier de luxe….

 

XIX° & XX°S : BARDINET – Les patrons du Second Empire

Extrait de : BORDEAUX ET LA GIRONDE – Les patrons du Second Empire – Hubert Bonin – 1999

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BARDINET

Pendant le Second Empire : Limoges
Une maison appelée Bobin est créée en 1857 à Limoges pour la fabrication de liqueurs et le commerce des vins. François Bobin. son dirigeant, s’associe (pour 100 000 francs) en 1863 à Paul-Augustin-Marie Bardinet ( 1837-1901)(qui fournit 20 000 francs), avant de laisser l’entière propriété et responsabilité de la firme à celui-ci en juin 1865. Ainsi le nom de Bardinet entre-t-il dans l’his­toire commerciale. Bardinet s’associe à son tour, avec un voyageur de commerce, Claude-Auguste Coste, en juillet 1869, celui-ci ne procurant que 20 000 francs, puis, lorsque la société devient une société en nom collectif en 1875, 25 000 francs face aux 125 000 francs levés par Bardinet lui-même. Mais la firme est toujours fïxée à Limoges où, entre 1872 et 1877, Bardinet est juge au Tribunal de commerce.

Après le Second Empire : le glissement de Limoges à Bordeaux
Une étape supplémentaire est franchie en 1879 quand Coste se retire de la société et, surtout, quand, en 1891, le fils de Paul Bardinet, Édouard (1866-1936). s’associe à son père pour monter une firme de commerce des rhums à la Jamaïque, à Saint-Elisabeth. La société de Limoges est bouleversée finalement en 1892 pour accueillir le fils Édouard (50 000 francs) et le gendre Louis Maleyx (50 000 francs), aux côtés de Paul Bardinet lui-même (220 000 francs) – Maleyx décède toutefois dès 1896.

A cette date, Paul Bardinet confie la totale propriété de l’entreprise à son fils Édouard. Or lui-même réside alors à Caudéran, commune limitrophe de Bordeaux, et le contrat est conclu chez un notaire bordelais. Ainsi la firme née sous le Second Empire accède-t-elle à la fin du siècle à la place de Bordeaux, oü les marques de rhums se sont déjà multipliées (Clément, Dillon, Duquesne, etc.), en raison de l’intimité des liens avec les Anlilles et de la poussée de la production de canne à sucre et de l’industrialisation de son traitement.

La société Galibert & Varan, spécialiste elle aussi des rhums et future firme renommée, est créée à Bordeaux en 1850 par Armand Galibert et Fabien Varan, jusqu »alors cadres de la maison de négoce de vins Séguinaud ; avec aussi Ernest Galibert, ils montent une firme consacrée au commerce des vins et à l’importation de rhums, avant de !’orienter dans les années 1870 plus spécifiquement vers le commerce des rhums : ils sont alors rejoints en 1878 par Arthur Séguinaud (1849-1904), gendre d’Armand Galiben et par les neveux de Varan, Paul et Jules Forsans, en 1876 et I 878 : une société durable, sous le nom de Les Neveux de Galibert & Varan entre 1900 et 1923 (quand elle devient une société anonyme), a ainsi pris corps en un quart de siècle. Elle s’affirme clone quelque peu comme l’une des concurrentes directes de Bardinet.

Pourtant, Bardinet déploie au service du rhum un talent commercial plus renommé encore, grâce à un savoir-faire relativement pionnier dans la gestion d’une marque (et de l’image de marque ainsi que du déploiement publicitaire qui l’accompagnent). En effet. Bardinet dépose dès 1886 la marque La Negrita, qu’elle a lancée en 1884. Elle vend en outre du brandy et du cognac sous la marque Old brandy Edwards & Cie, de la fine champagne Paul de Lissac et de la fïne champagne de Baupeyrat, vieux cognacs situés plus haut en gamme, tandis qu’elle distribue aussi quelques liqueurs comme du curaçao.

La «négresse>> au madras bleu qui sert d’emblème au Negrita symbolise
en fait le passage des alcools de qualité modeste, du genre des tafias, à un rhum disposant d’une réputation commerciale stable, fournie grâce à des assem­blages (blend) de rhums des Caraïbes et à un enrichissement au sein des foudres en chêne du Limousin. La percée du rhum serait liée à son efficacité pour aider les soldats à résister aux rudes conditions de vie pendant la guerre de Crimée; celle-ci aurait contribué à la popularité de celle boisson ; mais, en fait, on peut penser que la suppression des droits de douane à l’importation des alcools coloniaux en juin 1854 constitue l’occasion décisive: notons que la firme Bobin est créée à Limoges trois années après ce décret. D’autre part, la percée du sucre de bellerave incite les producteurs de sucre de canne à valoriser celui-ci et à développer sa transformation en rhum.


L’implantation à Bordeaux constitue un second tournant essentiel dans la vie de la société puisqu’elle se rapproche ainsi du principal port d’importation (avec Le Havre), d’un lieu important de consommation (rhum, « café-rhum ») et sur tout d’un port de redistribution sur l’ensemble des contrées atlantiques, notamment dans les régions portuaires fortes consommalriccs d’alcools. telle la Bretagne.

 

L’avenir de la société
Les frères d’Édouard Bardinet, Jean et Ernest Bardinet. le rejoignent au sein de la société en nom collectif en 1902. Le capital apporté par Édouard se chiffre alors à 700 000 francs, ses deux frères procurant seulement 7 000 francs chacun. Cette association est prolongée en 1910 et en 1920, le gendre d’Édouard Bar­dinet, Jean Barennes (1887-1934), la rejoignant en 1919 : ce chartiste et archiviste-paléographe, auteur de nombreux ouvrages d’érudition locale, épouse en effet en 1912 la fille d’Édouard Bardinet et entre dans la maison de négoce. Le statut de société anonyme est finalement adopté en 1924, avec un capital de 6 millions de francs: l’esprit d’entreprise surgi pendant le Second Empire se cristallise ainsi avec l’acquisition de la pérennité sociale nécessaire. D’ailleurs. dès cette époque, Negrita est devenue synonyme de rhum clans les usages quotidiens des consommateurs ; un signe est en fourni par les nombreuses contrefaçons qui surgissent désormais.

La force commerciale et la réputation acquises par Bardinet permettent à la
société de traverser les décennies, notamment la grave crise des rhums vécue par la place bordelaise en 1931, d »occuper plus de la moitié du marché dans les années 1940/1970, d’évincer nombre de ses concurrents (comme le rhum Charleston, de Marie Brizard), bien qu’elle ne parvienne pas à la renommée internationale obtenue par les rhums blancs Bacardi. Mais des dissensions fami­ liales et une relève générationnelle débouchent sur la reprise de la société par une autre entreprise familiale d’origine antillaise, La Martiniquaise (avec les marques Dillon et Old Nick, pour le rhum, Label 5 pour le whisky, etc). au milieu des années 1990; elle est contrôlée par une société holding, la Compa­gnie financière européenne de participations, qui dépend de la famille euro­ antillaise Cayard.

SOURCES
Le centenaire de la sociéré Les Fils de P. Bardinet, Plaquettee commémorative. 1957.
DEYRIES Pierre, histoire d’une sociéré commerciale bordelaise. La société Les Fils de P. Bardinet de 1924 à 1957, mémoire de maitrise d’histoire, Université de Bordeaux 3 (/\. J. Tudesq dir.), 1986.
PÉHAUT Yves, « Le commerce el lïndustrie du rhum à Bordeaux», Les Cahiers d’outre-mer. 1953. pages 352-363.
FOURNET Philippe. « Bordeaux. capitale française du négoce et de l’industrie du rhum, dans Colloque des eaux-de-vie et spirirueux. CNRS, Bordeaux. 1982.

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Source de la page :  BORDEAUX ET LA GIRONDE – Les patrons du Second Empire – Hubert Bonin – 1999

Résumé
Ce dictionnaire correspond au volume VI de la collection Les patrons du Second Empire, dirigée par Dominique Barjot. Il marque une nouvelle avancée de l’enquête engagée par l’Institut d’Histoire moderne et contemporaine du CNRS. Il ne se veut pas une nomenclature de fiches austères et sèches ! C’est au contraire le rassemblement d’une soixantaine de monographies substantielles de familles, de patrons et de leur entreprise. Cela permet une évocation assez fouillée de la vie économique des rives de la Gironde pendant des décennies clés : c’est l’époque en effet où les cahots et parfois, mais juste pendant quelques trimestres, la suspension de l’expansion provoquée par les troubles militaires et politiques de la période révolutionnaire et bonapartiste sont nettement effacés. Après le vif renouveau des années 1820/1830, les années 1840/1880 marquent une nouvelle  » Belle Epoque  » pour le port bordelais. Cependant, comme l’histoire économique et plus particulièrement celle des entreprises, la  » business history « , peuvent sembler rébarbatives, ce Dictionnaire offre au lecteur curieux du destin des hommes une occasion de participer à une histoire  » incarnée  » : les événements, les mutations de l’économie, l’enrichissement du capitalisme de la place, sont mis en scène par les  » héros  » de l’économie, les capitalistes, les patrons  » entrepreneurs « , ceux qui prennent les initiatives d’investir en usines, en navires, en réseaux commerciaux, ceux qui mobilisent et rénovent les savoir-faire des marchands, des banquiers ou des industriels. Le champ de l’investigation est surtout bordelais et girondin, mais ce dictionnaire mène quelques incursions dans les Landes et dans le Périgord, qui ont participé alors à la Première Révolution industrielle sidérurgique et qui méritaient donc d’apparaître ici. Ce dictionnaire ne peut passer pour un ouvrage régionaliste destiné aux seuls  » érudits locaux  » ; en effet, il s’inscrit d’abord dans une enquête nationale et une collection, ce qui permet des comparaisons interrégionales ; et, surtout, chaque monographie s’ouvre sans cesse à des réflexions sur les positions, les parts de marché, occupées par la famille et son entreprise au niveau national, avec une appréciation de son  » retard  » ou de ses  » archaïsmes  » ou au contraire de ses initiatives pionnières. Comme d’ailleurs le port de Bordeaux à cette époque, ce Dictionnaire est largement ouvert aux vents de l’histoire nationale et surtout internationale !

1906 – Montjon Le Gravier devient la maison de famille

Situé près du bourg de Ste Eulalie, le château Montjon le Gravier fut construit au XVIIIème siècle pour François de Montjon, écuyer et conseiller au Parlement de Guyenne. Attribué à l’architecte Victor Louis, il se présente comme un élégant rectangle de pierre flanqué de deux pavillons à étage couverts d’ardoises. Les vastes pièces du rez-de-chaussée s’ouvrent sur une enfilade de larges couloirs. Au centre du bâtiment est implanté un sa-lon en rotonde qui domine le parc et le vignoble.


Le seigneur de Montjon fut guillotiné pendant la Terreur sous la Révolution et la mémoire locale raconte que les arbres de l’allée reliant la route Royale au château, dénommée aujourd’hui « Allée cavalière », furent alors étêtés en signe de deuil.

Chacun des propriétaires de Montjon a contribué à la l’entretien des bâtiments et au développement de l’exploitation agricole.

Racheté vers 1851 par Michel Montané, riche armateur et député girondin au Corps législatif (1852—1857), le château fut restauré et agrémenté d’une grande véranda couvrant la terrasse de la façade nord.

En 1859, Armand Lille devient à son tour propriétaire de Montjon auquel il adjoint la propriété du Marquisat. L’ensemble représente alors 75 hectares dont la moitié est plantée en vignes. Son décès, alors qu’il est maire de la commune de Sainte Eulalie, est suivi d’un difficile partage des biens entre ses héritiers ; Montjon est finalement saisi et vendu aux enchères publiques le 6 mars 1906. Le descriptif de la vente fait état d’un domaine de 36 hectares comportant « joli château, agréments, garenne, pièce d’eau, écuries, remises, logements de paysans, chais de 100 tonneaux, cuvier, huit cuves, pressoir, vaisseaux vinaires, étable pour 20 vaches ; vastes prairies, vignes et terres ; immeubles par desti-nation ».

Edouard Bardinet, négociant bordelais, propriétaire des rhums Négrita, s’en porte acquéreur. Il entreprend un agrandissement du pressoir et des chais, devenus depuis le centre culturel Dutruch. Le chateau est toujours dans la famille et poursuit notamment l’exploitation viticole en Premières côtes de Bordeaux.

Sources :  Association Sainte-Eulalie patrimoine

Voir aussi : Montjon Le Gravier : Photos de Famille

 

Montjon le gravier : Photos de Famille


Sir Edward and his Smala – Mars 1914

Photo revisitée pour l’affiche de la cousinade 2023 par Sébastien du Laurens d’Oiselay, fils de Oncle Pierre (+) et Tante Elisabeth (Branche Barennes / Michele)

 

Fond Photographique de Bernard Bardinet 

 

 

1912 : Jean Barennes, l’Archiviste devenu Capitaine d’Industrie

(Note  : Le texte qui suit est une synthèse et une adaptation d’un travail de recherche universitaire mené par Cécile Fonrouge (Branche Barennes), Maître de Conférences à l’Université de Paris-Est. Son étude, intitulée « LE RECOURS A UN MANDATAIRE QUASI EXTERNE : JEAN BARENNES (1887-1934), GENDRE D’EDOUARD BARDINET (1866-1936) – BARDINET S.A. DANS L’ENTRE-DEUX-GUERRES », fut présentée lors des Journées d’Histoire de la Comptabilité et du Management en 2010. Ce travail académique offre un éclairage exceptionnel sur un moment clé de l’histoire de l’entreprise et de notre famille, et nous le remercions pour cette analyse approfondie.)


Au sein de la grande saga des Bardinet, l’histoire de certains personnages clés illustre les moments charnières de l’entreprise. Mon arrière-grand-père, Jean Barennes (1887-1934), fut l’un d’eux. Mari de Michèle Bardinet, la fille aînée d’Edouard, et père de mon grand-père François Barennes, il incarne une période fascinante où un homme de lettres et d’histoire fut appelé par son beau-père à prendre part à une grande aventure industrielle, la menant à travers l’une des plus graves crises de son temps.

Jean & Michèle mes arrière grands parents.

 

Un Recrutement Stratégique

En 1912, mon arrière-grand-père Edouard Bardinet, alors à la tête de l’entreprise florissante, se préoccupe de sa succession. Son fils aîné, Robert, est encore très jeune (il décédera des suites de la Première Guerre mondiale en 1918) et son second fils, Patrick, n’a que 14 ans. Edouard cherche alors un « mandataire quasi externe », un homme de confiance pour le seconder et, à terme, prendre la relève. C’est sur son gendre, Jean Barennes, que son choix se porte.

Pourtant, Jean Barennes n’était pas un homme d’affaires. Archiviste paléographe, diplômé de la prestigieuse École des Chartes, il se destinait à une carrière intellectuelle. La proposition de son beau-père représente un tournant radical, comme il l’écrit lui-même dans une lettre à son propre père le 17 septembre 1912 : « En cas de décès de mon beau-père, sa femme serait à la tête de l’usine. Il lui faudrait quelqu’un de sûr pour être son mandataire… Il dit m’a observé et m’a qualifié de bon administrateur… Il m’a demandé si je ne voulais pas lui permettre de compter sur moi pour lui succéder. »

Face à la perspective d’une « vie très modeste » d’archiviste et au « sacrifice » demandé par son beau-père, il accepte de relever le défi et d’entrer dans le négoce familial.

L’Homme de la Crise

Jean Barennes arrive à un poste de direction à une période cruciale. Il sera aux commandes de « l’usine » durant l’une des plus grandes épreuves traversées par la société : la crise du rhum de 1929-1931. Suite à la faillite de la Compagnie Générale du Rhum (CGR) dans laquelle Bardinet était fortement engagée, l’entreprise subit des pertes colossales de près de deux millions de francs en 1930-1931.

Son journal personnel, précieusement conservé, témoigne des inquiétudes de cette période :

1er Janvier1931 : « Je me préoccupe de la situation économique générale et de nos propres affaires rendues difficiles par la constitution de gros stocks de rhum. […] Nous pouvons redouter de sérieuses secousses financières. Des mesures générales d’économie sont tout à fait nécessaires. »

 

1er janvier 1932 : « Notre participation dans un consortium rhummier a eu en effet les plus fâcheux résultats […]. Nos pertes ont été considérables. »

Pourtant, grâce à une « saine gestion » et une « force commerciale restée intacte », Edouard Bardinet et Jean Barennes parviennent à redresser la barre. Contrairement à de nombreuses autres maisons, Bardinet sortira indemne de la crise et renforcera même sa position de leader sur le marché.

 

Un Double Héritage : Le Négociant et l’Historien

Malgré son immersion totale dans le monde des affaires, mon arrière-grand-père n’a jamais renoncé à sa passion d’historien. Entre 1912 et sa mort prématurée en 1934, il publia pas moins de neuf textes, livres et articles dans des revues historiques prestigieuses.

Plus encore, son mariage avec Michèle Bardinet représentait une alliance stratégique. Par sa grand-mère, Sophie Dubos née Bethmann, Jean Barennes liait la jeune dynastie industrielle des Bardinet à l’une des plus anciennes et puissantes familles du négoce bordelais, apportant à l’entreprise un « capital social » et une notabilité considérables. Son rôle de magistrat au tribunal de commerce ancre encore plus la famille dans les institutions bordelaises.

Michèle Barennes (Bardinet) – Mon arrière grand mère

Conclusion

Bien que son passage dans l’entreprise n’ait duré que 22 ans, le rôle de Jean Barennes fut déterminant. Homme de confiance choisi pour assurer la transition, il fut aussi l’homme providentiel qui aida l’entreprise à surmonter une crise existentielle. Son histoire, celle de l’homme qui fut le père de mon grand-père, illustre parfaitement la complexité, les défis et les stratégies d’une saga familiale et industrielle.

1923, 22 Septembre – Edouard Bardinet recoit la légion d’honneur

Le procès Verbal : (extrait du dossier complet ci dessous)

Le document compte rendu réalisé en souvenir de la fête en l’ohonneur d’edouard Bardinet : (fichier pdf a faire defiler) 

Compte rendu, discours du Commandant Lequerré son beau Frère, discours d’Edouard, réponse de Mr Uteau, représentant du personnel, tres belles photos des usines, famille, objets, tout y est 🙂

A Edouard Bardinet - LEGION D'HONNEUR - 22.09.1923

 

Le dossier des archives de la légion d’honneur : (fichier pdf a faire defiler) 

Leonore_BARDINET_Marie Joseph Edouard

 

2023 : Édouard Bardinet. L’homme qui fit entrer le rhum dans toutes les cuisines

L’homme qui fit entrer le rhum dans toutes les cuisines

de Nicolas Bardinet

1857, Paul Bardinet, 19 ans, est engagé comme salarié de François Bobin, liquoriste à Limoges. Neuf années plus tard, bouillonnant d’idées, il rachète l’affaire tandis que son épouse accouche de leur premier fils : Édouard.
1886, le 11 octobre à midi, Paul dépose au tribunal de commerce de Limoges la marque Negrita. Heureuse initiative !
Neuf années plus tard, Édouard, 29 ans, déménage l’entreprise pour Caudéran, proche banlieue de Bordeaux. Voilà qui facilite ses approvisionnements et pousse ses exportations !


Né neuf années après le décès d’Édouard, son grand-père, Nicolas Bardinet, en manque d’informations sur son aïeul, est parti sur ses traces. Écoutons-le :

« Avec ses deux épouses, ses neuf filles, ses quatre garçons, ses 62 petits-enfants, ses 1 399 descendants directs au 1er mai 2021 et une entreprise toujours rayonnante, on disait Édouard pieux, besogneux, généreux, sérieux, silencieux et même… Barbe-bleue ! Avec le temps qui passe, allez donc savoir qui se cachait derrière la moustache et le look mélancolique d’Édouard Bardinet ! J’ai cherché, j’ai enquêté, j’ai subodoré, j’ai cru deviner, j’ai dû inventer, j’ai tenté de maîtriser mon imagination pour lui rester fidèle. Fidèle à quoi ?
Me pardonnera-t-il de m’être lancé à sa poursuite ? Moi, en tout cas, je puis lui dire merci : il m’a beaucoup donné ! »

Station Ausone : Interview de l’auteur

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Decitre
Mollat

Article du Sud-Ouest

 

26 Aout 2023 : Cousinade à Yvrac

Article du Sud Ouest édition Gironde le 26 Aout 2023

Titre : “Je n’avais jamais vu autant de monde d’une même famille” : à Yvrac, 600 invités à la cousinade géante des Bardinet

Auteur : Valentin Hugues

Date de publication : 26 août 2023

 

YVRAC

600 Bardinet à la cousinade géante

Installé à Bordeaux, Édouard Bardinet a commercialisé le Rhum « Negrita » dans le monde entier. Quatre-vingt-sept ans après sa mort, plus de 600 de ses descendants se sont retrouvés, ce samedi, au château Lafitte d’Yvrac.

Par Valentin Hugues

Les voitures défilent entre les vignes du Château Lafitte d’Yvrac ce samedi 26 août au matin. Plus de 600 personnes sont attendues pour la grande cousinade des descendants d’Édouard Bardinet, celui qui a commercialisé le rhum « Negrita » dans le monde entier. Une longue liste d’invités qui requiert de prendre quelques précautions logistiques. La plus importante : le code couleur. Il y a onze branches, qui correspondent aux enfants d’Édouard Bardinet.

« Je n’avais jamais vu autant de monde d’une même famille »

Les descendants d’Annick sont en rouge, ceux de Claude en bleu, de Michelle en vert, etc.

En plus d’appartenir à la même grande famille huppée, ces convives à l’allure très chic ont en commun d’avoir un badge nominatif à la couleur de leur branche. Tout le monde ne se connaît pas, regarder le badge de la personne en face de soi devient alors un réflexe. Tonie-Ella Barennes porte la couleur vert, celle de la branche Michelle, qui prend le plus de place sur l’immense arbre généalogique de 50 mètres de long affiché sur des tonneaux de vin.

« Assez prolifique »

« Me voilà, je suis ici sur la fresque. C’est une famille assez prolifique, c’est pour ça qu’on est autant aujourd’hui », sourit cette descendante d’Édouard Bardinet. Pour réunir Tonie-Ella Barennes et tous les autres, les organisateurs ont vu les choses en grand. Une sorte de comité s’est mis en place il y a plus de deux ans, avec un représentant de chaque branche.

« Pour le lieu, on a demandé aux membres de la famille qui ont des propriétés, mais ce n’était pas assez grand ; ici c’est l’endroit parfait », explique Virginie Lequerré, branche Noëlle, couleur orange, accompagnée de Marie Soto, « petite-fille du frère jumeau de la grand-mère de mon mari », ou branche Patrick, couleur rose, qui rappelle que l’art des cousinades ne date pas d’hier chez les Bardinet. « Mon grand-père avait organisé une grande réunion de famille en 1936, déjà à l’époque tout était millimétré, on a même retrouvé le menu. » Car c’est la pièce maîtresse de ce genre de réunion. Le menu, le repas comme point clé d’une logistique vue en grand.

Jeu de piste

« Je travaille dans la restauration événementielle depuis dix ans, je n’avais jamais vu autant de monde d’une même famille », admet Cassie Desoutter, chef de projet pour le Nectar Traiteur. À moins d’une heure du service, c’est l’heure de souffler, de prendre une pause, un café ou de s’habiller pour les 25 membres de l’équipe qui n’auront plus de répit jusqu’à ce soir. Folie des grandeurs ou simple contrainte logistique, ici les enfants ont leur propre salle de réception avec cuisiniers et serveurs attitrés, en plus d’une équipe de huit scouts de France engagés pour veiller sur eux toute la journée.

Vers 13 heures, le défilé commence. « On a chronométré, il faut plus d’une minute pour aller au fond de la salle », ajoute Cassie Desoutter. En costume, le pas déterminé, l’équipe de service, sous la direction de leur chef d’orchestre Johnny, déambule entre les tables où discutent tous ces cousins qui reprennent contact. Au dos de chaque badge de ces 600 invités, le nom d’un autre membre de la famille à retrouver dans la journée, comme un petit jeu de piste, rappel que ce rendez-vous familial sert à tisser des liens.


Légende de la photo de groupe : Photo de famille des Bardinet, hier au château Lafitte d’Yvrac. (Crédit : LAURENT THEILLET/« SO »)


Retrospective de la journée – Film sur l’histoire de la famille 

 


Retrospective de la journée
Cousinade. Paroles et musiques de Tristan Bardinet

 


Retrospective de la journée
Hommage à nos disparus. Paroles et musiques de Tristan Bardinet