1884 : Dans sa distillerie installée depuis 1857 au cœur de la ville, Paul Bardinet élabore une nouvelle mixture. À cette époque, près de 50 liquoristes limougeauds vendent des breuvages issus d’associations entre vins, cognacs et eaux de vie. Paul Bardinet va se démarquer en créant un mélange exceptionnel : Le rhum « La Negrita », marque déposée en 1886.
L’habillage des bouteilles, enjolivé par la représentation d’une jeune femme, débute en 1893, avec l’artiste Max Camis, créateur de nombreuses affiches. Cette iconographie est l’une des plus vieilles de la publicité française. Elle deviendra l’identité de la marque La Negrita, avec notamment la célèbre affiche de Bernard Villemot.
Pourquoi Negrita ? Dès le XIXe siècle, le rhum Negrita est associé à un visage, celui d’une jeune créole antillaise.
C’est d’ailleurs ce visage qui donne son nom au rhum. Au départ, « Negrita » est un surnom trouvé par les Espagnols : voyant le visage dessiné sur la bouteille, ils demandent à goûter « el ron de la negrita », le rhum de la petite créole.
Pendant de nombreuses années, la distillerie Bardinet prospère à Limoges. La famille exerce désormais son activité rue des Argentiers, où elle a fait construire une belle maison bourgeoise.
Puis, afin de développer son affaire tout en minimisant les frais de transport et d’importation, Édouard Bardinet. le fils de Paul, saisit l’opportunité des réseaux bordelais de sa mère pour s’implanter définitivement dans la capitale girondine. La nouvelle distillerie est établie dès 1895 sur le quai des Chartrons.
À l’instar du rhum Negrita, présent dans tous les foyers au moment des crêpes, le nom de Bardinet rayonne encore aujourd’hui à l’international, là distillerie proposant désormais de nombreux produits, comme les rhums Old Nick et Dillon.
À Limoges, sur la quarantaine de fabricants présents au début du XX » siècle, seule La Distillerie du Centre, propriété depuis 1908 de la famille Nouhaud, fait perdurer jusqu’à aujourd’hui le savoir-faire artisanal des liquoristes.
Quant à la propriété de la rue des Argentiers, elle est devenue un hôtel particulier de luxe….
(Note : Le texte qui suit est une synthèse et une adaptation d’un travail de recherche universitaire mené par Cécile Fonrouge (Branche Barennes), Maître de Conférences à l’Université de Paris-Est. Son étude, intitulée « LE RECOURS A UN MANDATAIRE QUASI EXTERNE : JEAN BARENNES (1887-1934), GENDRE D’EDOUARD BARDINET (1866-1936) – BARDINET S.A. DANS L’ENTRE-DEUX-GUERRES », fut présentée lors des Journées d’Histoire de la Comptabilité et du Management en 2010. Ce travail académique offre un éclairage exceptionnel sur un moment clé de l’histoire de l’entreprise et de notre famille, et nous le remercions pour cette analyse approfondie.)
Au sein de la grande saga des Bardinet, l’histoire de certains personnages clés illustre les moments charnières de l’entreprise. Mon arrière-grand-père, Jean Barennes (1887-1934), fut l’un d’eux. Mari de Michèle Bardinet, la fille aînée d’Edouard, et père de mon grand-père François Barennes, il incarne une période fascinante où un homme de lettres et d’histoire fut appelé par son beau-père à prendre part à une grande aventure industrielle, la menant à travers l’une des plus graves crises de son temps.
Jean & Michèle mes arrière grands parents.
Un Recrutement Stratégique
En 1912, mon arrière-grand-père Edouard Bardinet, alors à la tête de l’entreprise florissante, se préoccupe de sa succession. Son fils aîné, Robert, est encore très jeune (il décédera des suites de la Première Guerre mondiale en 1918) et son second fils, Patrick, n’a que 14 ans. Edouard cherche alors un « mandataire quasi externe », un homme de confiance pour le seconder et, à terme, prendre la relève. C’est sur son gendre, Jean Barennes, que son choix se porte.
Pourtant, Jean Barennes n’était pas un homme d’affaires. Archiviste paléographe, diplômé de la prestigieuse École des Chartes, il se destinait à une carrière intellectuelle. La proposition de son beau-père représente un tournant radical, comme il l’écrit lui-même dans une lettre à son propre père le 17 septembre 1912 : « En cas de décès de mon beau-père, sa femme serait à la tête de l’usine. Il lui faudrait quelqu’un de sûr pour être son mandataire… Il dit m’a observé et m’a qualifié de bon administrateur… Il m’a demandé si je ne voulais pas lui permettre de compter sur moi pour lui succéder. »
Face à la perspective d’une « vie très modeste » d’archiviste et au « sacrifice » demandé par son beau-père, il accepte de relever le défi et d’entrer dans le négoce familial.
L’Homme de la Crise
Jean Barennes arrive à un poste de direction à une période cruciale. Il sera aux commandes de « l’usine » durant l’une des plus grandes épreuves traversées par la société : la crise du rhum de 1929-1931. Suite à la faillite de la Compagnie Générale du Rhum (CGR) dans laquelle Bardinet était fortement engagée, l’entreprise subit des pertes colossales de près de deux millions de francs en 1930-1931.
Son journal personnel, précieusement conservé, témoigne des inquiétudes de cette période :
1er Janvier1931 :« Je me préoccupe de la situation économique générale et de nos propres affaires rendues difficiles par la constitution de gros stocks de rhum. […] Nous pouvons redouter de sérieuses secousses financières. Des mesures générales d’économie sont tout à fait nécessaires. »
1er janvier 1932 :« Notre participation dans un consortium rhummier a eu en effet les plus fâcheux résultats […]. Nos pertes ont été considérables. »
Pourtant, grâce à une « saine gestion » et une « force commerciale restée intacte », Edouard Bardinet et Jean Barennes parviennent à redresser la barre. Contrairement à de nombreuses autres maisons, Bardinet sortira indemne de la crise et renforcera même sa position de leader sur le marché.
Un Double Héritage : Le Négociant et l’Historien
Malgré son immersion totale dans le monde des affaires, mon arrière-grand-père n’a jamais renoncé à sa passion d’historien. Entre 1912 et sa mort prématurée en 1934, il publia pas moins de neuf textes, livres et articles dans des revues historiques prestigieuses.
Plus encore, son mariage avec Michèle Bardinet représentait une alliance stratégique. Par sa grand-mère, Sophie Dubos née Bethmann, Jean Barennes liait la jeune dynastie industrielle des Bardinet à l’une des plus anciennes et puissantes familles du négoce bordelais, apportant à l’entreprise un « capital social » et une notabilité considérables. Son rôle de magistrat au tribunal de commerce ancre encore plus la famille dans les institutions bordelaises.
Michèle Barennes (Bardinet) – Mon arrière grand mère
Conclusion
Bien que son passage dans l’entreprise n’ait duré que 22 ans, le rôle de Jean Barennes fut déterminant. Homme de confiance choisi pour assurer la transition, il fut aussi l’homme providentiel qui aida l’entreprise à surmonter une crise existentielle. Son histoire, celle de l’homme qui fut le père de mon grand-père, illustre parfaitement la complexité, les défis et les stratégies d’une saga familiale et industrielle.
Le procès Verbal : (extrait du dossier complet ci dessous)
Le document compte rendu réalisé en souvenir de la fête en l’ohonneur d’edouard Bardinet : (fichier pdf a faire defiler)
Compte rendu, discours du Commandant Lequerré son beau Frère, discours d’Edouard, réponse de Mr Uteau, représentant du personnel, tres belles photos des usines, famille, objets, tout y est 🙂
La dix-huitième Foire de Bordeaux a été inaugurée dimanche 17 Juin par M. Albert Lebrun, président de la République, accompagné de M. Lamoureux, ministre ou commerce; de M. Wllliam Bertrand, ministre de la marine marchande, et en présence de M. Adrien Marquet, maire de Bordeaux, ministre du travall;
de M. Bouliard, préfet de la Gironde; de M. Gonfreveille, président du comité de la Foire de Bordeaux, ainsi que de nombreuse personnalités.
Le 18 Septembre 1938 la maison Bardinet organisait pour l’ensemble de son personnel une excursion à Royan, pointe de Grave. Retrouvez ici un fabuleux film qui retrace cette expédition et où nous pouvons reconnaitre certaines têtes familiales 🙂 mais aussi des coupures de presse, le programme de la journée et le menu du diner !
Les coupures de presse
le figaro 21 septembre 1938Le Journal – 27 Septembre 1938
(merci à M. Jean-Bernard Feillou, qui m’a partagé les documents de sa grand-mère, programme et menu invitée du voyage et alors Clisseuse pour la maison Bardinet, ci apres son « insigne Negrita » pour cette journée exceptionnelle)
Le Film :
film amateur d’entreprise sur une journée à Royan organisée par la société « Les fils de Paul Bardinet ». Paul Bardinet était le vice-président du syndicat des rhums et fondateur de l’entreprise Negrita.
[Babcock Wanson, du xixe au xxie siècle, C’est en 1898 que l’ancêtre de Babcock Wanson, la Société Française des constructions Babcock & Wilcox, a été fondée. Une vingtaine d’années après, Léo Wanson créé la société Wanson le 24 janvier 1929, appelée au départ C.M.T (Construction de Matériel Thermique). Cette même année, Léon Wanson a lancé une revue La Chaufferie, devenue après la guerre le Bulletin Wanson.]
La chaufferie des Ets Bardinet, à Bordeaux, équipée de deux Steambloc type 200, timbrées à 10 bar, fonctionnant au fuel lourd no 2.
Au XVIIe siècle, une famille de chapeliers comme tant d’autres, les Bardinet.
L’un d’entre eux, Paul, arrière-grand-père du Président actuel se fait distillateur de liqueurs puis Importateur de rhum. En 1857 la première société est constituée à Limoges. On Importe du rhum de la Jamaïque.
Paul Bardinet met au point un type de rhum correspondant au goût de la clientèle française et le loge dans une bouteille sertie de raphia, ornée d’une tête de créole.
Paul Bardinet et son fils Edouard assurent eux-mêmes la commercialisation de leurs rhums et liqueurs dont le renom passe très vite au-delà des frontières. La tête de créole des étiquettes devient la « Negrlta » pour les Espagnols qui réclament le » Ron de la Negrita ». Les fondateurs du rhum Bardinet
déposent alors la marque qui sera connue dans le monde entier :
« Negrita ».
Edouard succédant à son père, décide d’installer la société à Bordeaux, grand port de débarquement du rhum qui possède d’autre part de grandes facilités pour l’exportation. L’entreprise se développe en France et à l’étranger jusqu’à la deuxième guerre mondiale. En 1938. Patrick Bardinet succède à son père. Mécanisation et organisation très poussées sont introduites. La clientèle est suivie de très près, le Président voyage sans cesse et imprime une forte impulsion à l’affaire.
Après la guerre qui avait mis en veilleuse l’activité de la société, Patrick Bardinet, secondé par ses frères Gildas et Loïc et son beaufrère Jean Gavini, redonne à l’affaire son rythme normal et lui assure une nouvelle dimension : ouverture de l’usine de Mexico.
En 1957, Patrick cède la présidence à Loïc qui, tout en développant la société-mère (création dans la région parisienne d’une nouvelle usine), crée en dix ans
toute une série de pôles de développement nouveaux.
En 1967, Loïc Bardinet transmet le flambeau au Président actuel, Dominique Bardinet, qui, assisté d’Emmanuel Bardinet, directeur général, continue la politique d’expansion et de diversification amorcée
dans les années 60.
En quelques années, l’essor des nouveaux produits aboutit à un accroissement
des volumes, donc de la fabrication, que les usines de Bordeaux-Cauderan et d’Ivry-sur-Seine ne peuvent plus absorber. Après des années de recherches et
d’études (le choix du terrain devant obéir à des impératifs très précis), la société déménage pour la deuxième fois depuis sa création et s’installe au printemps 75
à la limite nord de la zone industrielle de Blanquefort près de Bordeaux, dans des bâtiments flambants neufs (15 000 m2 au sol), construits sur un domaine de 12
hectares dont 7 boisés. Globalement, l’usine et le siège de Blanquefort emploient près de 300 personnes et il reste encore de grandes possibilités d »extension, puisque, en dehors de 7 hectares édifiables, la superficie couverte développée
peut être portée à plus de 3 hectares.
Du 15 Juin au 31 aout 1992 est organisée une exposition « Collection bardinet » à la cité mondiale du vin et des spiritueux. Vous retrouverez ci dessous un extrait du catalogue d’exposition qui présente 94 affiches autour du Rhum, Negrita et de ses conccurrents. Commentaire et préface de Dominique Bardinet.
La Martiniquaise est depuis lundi majoritaire dans le capital de Bardinet. Mais l’illustre maison bordelaise conserve son indépendance et son PDG, Emmanuel Bardinet
Fleuron de l’histoire économique de Bordeaux, l’illustre maison Bardinet, leader français du rhum, vient de changer de mains au terme d’un accord qui entérine la prise de participation majoritaire de la société la Martiniquaise dans le capital du groupe. Signé en début de semaine, il prévoit également que « les deux entités conserveront leur totale autonomie dans la gestion commerciale et technique pour les maisons et leurs filiales ». Emmanuel Bardinet conserve donc ses prérogatives de PDG dans ce qui ressemble plus à un rapprochement entre deux
groupes familiaux qu’à un rachat sauvage. Vraisemblablement important, le montant de la transaction n’a pas été révélé.
La Martiniquaise, installée dans la région parisienne, est la quatrième société française de production de liqueurs et d’apéritifs « autres qu’à base de vin ». Derrière Pemod-Ricard et Marie-Brizard, la Martiniquaise a réalisé l’an dernier 1 milliard de francs de chiffre d’affaires et emploie 149 personnes. La Martiniquaise possede de nombreuses marques d’alcools de premiers prix très présents dans la grande distribution, comme le whisky Label 6, la vodka Poliakov, le gin Gibson’s, le porto Gran Cruz ou le rivesaltes Dauré. La Martiniquaise a également acquis l’armagnac Ducastaing-Saint-Vivant à Condom, dans le Gers.
SudOuest 12.08.1993
UNE DIMENSION EUROPEENNE
Avec ses marques Negrita, Old Nick et Dillon, Bardinet n’est pas seulement le leader français du marché du rhum. Depuis sa création en 1857, Bardinet a constamment au développer de nouveaux produits pour être aujourd’hui un groupe important dont la piêoe maîtresse Bardinet SA, installée à Blanquefort depuis 1976, emploie 200 personnes et a réalisé l’an passé 387 MF de chiffre
d’affaires pour un résultat net de 22 MF, en constante augmentation.
Autour de sa négresse fétiche, on trouve chez Bardinet du whisky (Sir Edwards) et une importante gamme de punchs colorés et cocktails à base de vodka et de rhum. Le constant dynamisme de la maison Bardinet ne laissait pas prévoir qu’elle put être rachetée. Ce qui fait croire que l’offre faite par la Martiniquaise ne pouvait laisser insensibles les actionnaires d’une société qui avait porté son capital à 16 millions de francs en 1986.
Indépendant, entièrement français, le nouveau groupe entend bien profiter de cette nouvelle dynamique pour devenir une des premières sociétés européennes du secteur.
La saga Bardinet
C’est à Limoges en 1857 que débute la saga Bardinet. Paul fabriquait des liqueurs et crèmes (triple-sec, anisette, cherry). Bientot la maison qui prospere vite, abandonne le marché en vrac pour conditionner le rhum en bouteille.Le 11 octobre 1886, la marque Negrita est déposée au greffe du tribunal. La négresse du rhum Bardinet est, depuis, indissociablement liée à la fortune commercante de Bordeaux.Lorsque Edouard Bardinet prend la relève de son père, il installe la société à Bordeaux qu’il transforme en une véritable entreprise industrielle. Tout en élevantses treize enfants, Paul Bardinet multiplie agences et concession, dans le monde entier jusqu’à devenir leader sur le marché du rhum . C’est encore un descendant, Emmanuel, qui après Dominique, dirige le groupe Bardinet, installé depuis 1975 à Blanquefort.
06 Aout 1993 – Courrier aux actionnaires de Emmanuel Bardinet
L’homme qui fit entrer le rhum dans toutes les cuisines
de Nicolas Bardinet
1857, Paul Bardinet, 19 ans, est engagé comme salarié de François Bobin, liquoriste à Limoges. Neuf années plus tard, bouillonnant d’idées, il rachète l’affaire tandis que son épouse accouche de leur premier fils : Édouard.
1886, le 11 octobre à midi, Paul dépose au tribunal de commerce de Limoges la marque Negrita. Heureuse initiative !
Neuf années plus tard, Édouard, 29 ans, déménage l’entreprise pour Caudéran, proche banlieue de Bordeaux. Voilà qui facilite ses approvisionnements et pousse ses exportations !
Né neuf années après le décès d’Édouard, son grand-père, Nicolas Bardinet, en manque d’informations sur son aïeul, est parti sur ses traces. Écoutons-le :
« Avec ses deux épouses, ses neuf filles, ses quatre garçons, ses 62 petits-enfants, ses 1 399 descendants directs au 1er mai 2021 et une entreprise toujours rayonnante, on disait Édouard pieux, besogneux, généreux, sérieux, silencieux et même… Barbe-bleue ! Avec le temps qui passe, allez donc savoir qui se cachait derrière la moustache et le look mélancolique d’Édouard Bardinet ! J’ai cherché, j’ai enquêté, j’ai subodoré, j’ai cru deviner, j’ai dû inventer, j’ai tenté de maîtriser mon imagination pour lui rester fidèle. Fidèle à quoi ?
Me pardonnera-t-il de m’être lancé à sa poursuite ? Moi, en tout cas, je puis lui dire merci : il m’a beaucoup donné ! »