Contrefacons

« La contrefaçon est l’hommage involontaire du vice à la vertu. La présence de faux dans votre collection est une preuve irréfutable de l’immense succès et de la désirabilité de la marque Negrita à une certaine époque. Son identité visuelle était si forte et reconnue qu’elle suscitait la convoitise et l’imitation frauduleuse. L’étude de ces contrefaçons, souvent maladroites, permet par contraste de mieux apprécier la qualité graphique et de fabrication des objets originaux. »

 


1857 : Tout est parti de Limoges

1884 : Dans sa distillerie installée depuis 1857 au cœur de la ville, Paul Bardinet élabore une nouvelle mixture. À cette époque, près de 50 liquoristes limougeauds vendent des breuvages issus d’associations entre vins, cognacs et eaux de vie. Paul Bardinet va se démarquer en créant un mélange exceptionnel : Le rhum « La Negrita », marque déposée en 1886. 

L’habillage des bouteilles, enjolivé par la représentation d’une jeune femme, débute en 1893, avec l’artiste Max Camis, créateur de nombreuses affiches. Cette iconographie est l’une des plus vieilles de la publicité française. Elle deviendra l’identité de la marque La Negrita, avec notamment la célèbre affiche de Bernard Villemot. 

Pourquoi Negrita ? Dès le XIXe siècle, le rhum Negrita est associé à un visage, celui d’une jeune créole antillaise.

C’est d’ailleurs ce visage qui donne son nom au rhum. Au départ, « Negrita » est un surnom trouvé par les Espagnols : voyant le visage dessiné sur la bouteille, ils demandent à goûter « el ron de la negrita », le rhum de la petite créole.

 

 

 

 

Pendant de nombreuses années, la distillerie Bardinet prospère à Limoges. La famille exerce désormais son activité rue des Argentiers, où elle a fait construire une belle maison bourgeoise.

Puis, afin de développer son affaire tout en minimisant les frais de transport et d’importation, Édouard Bardinet. le fils de Paul, saisit l’opportunité des réseaux bordelais de sa mère pour s’implanter définitivement dans la capitale girondine. La nouvelle distillerie est établie dès 1895 sur le quai des Chartrons.

À l’instar du rhum Negrita, présent dans tous les foyers au moment des crêpes, le nom de Bardinet rayonne encore aujourd’hui à l’international, là distillerie proposant désormais de nombreux produits, comme les rhums Old Nick et Dillon.

 À Limoges, sur la quarantaine de fabricants présents au début du XX » siècle, seule La Distillerie du Centre, propriété depuis 1908 de la famille Nouhaud, fait perdurer jusqu’à aujourd’hui le savoir-faire artisanal des liquoristes.

Quant à la propriété de la rue des Argentiers, elle est devenue un hôtel particulier de luxe….

 

Limoges fut la capitale des liquoristes

Pendant près d’un siècle et demi, Limoges a été la capitale des liquoristes. Plus de 200 distillateurs s’y étaient installés, contribuant à l’essor clé cette industrie.

Limoges est la capitale du Limousin. Mais, il fut un temps pas si lointain où son rayonnement était national et même mondial.

Ce rayonnement-là, on le doit aux liquoristes qui sans le vouloir ont fait de Limoges la capitale de la liqueur de 1800 à 1940. Pendnnl plus de 140 ans, près de deux cents liquoristes ont participé à l’essor de la ville et ont distillé, créé des centaines de nouvelles liqueurs que l’on peut encore trouver aujourd’hui.

Des postes influents pour les distillateurs

Mais distiller n’était pas à la portée de tout le monde. Diderot et d’Alembert dans l' »Encyclopédie » comparant même le distillateur à « un artiste qui a le droit de distiller toutes sortes d’eaux, d’esprits, d’huiles, d’essences et de liqueurs » . Surtout qu’à l’époque de ces deux auteurs c’est-à-dire au XVIIIe siècle, il fallait un agrément et passer par une phase d’apprentissage qui durait 4 ans.
Son histoire remonterait à l’époque des Perses qui se sont excercés à la distillation de « l’eau de rose».

A Limoges, le flou entoure l’arrivée de la liqueur. On trouve aux alentours du XVIII siècle dans « La feuille hebdomadaire de la généralité de Limoges » quelques publicités vantant ces liqueurs fabriquées localement qui laissent penser que les distilleries étaient déjà installées dans les environs. En ce siècle, on pouvait trouver ces liqueurs dans les cafés littéraires où l’on se rendait pour y lire le journal, jouer aux échecs ou débattre.

La plus ancienne distillerie répertoriée à Limoges daterait de 1780 où la « liqueur de l’ange gardien » sortait de l’alambic de Messieurs Voisin, Chadeuil et Védrenne.

Très vite, la production augmente et les distilleries se développent. Limoges est en plein âge d’or de cette industrie. Les patrons deviennent des personnes influentes occupant des postes à la chambre de commerce, dans les syndicats, les tribunaux et même au sein du conseil municipal de la ville. De plus, la plupart de ces distillateurs étaient de grands négociants en vins qui avaient des carnets d’adresses bien remplis. Cette dernière raison laisse penser que Limoges était bien la capitale des liquoristes.

Le commerce, un des origines de l’âge d’or

Ce développement trouve racine, pour beaucoup de journaux de l’époque, dans l’eau de la ville. Limpide et riche en sels minéraux, elle était appréciée pour le coupage des eaux de vie et la distillation. Mais ce rayonnement est aussi dû en grande partie au commerce. Les négociants avaient de très bonnes relations avec ceux de la Charente. Cela a facilité !’arrivé du Cognac et de l’eau-de-vie, deux liquides qui rentrent dans la fabrication des liqueurs.

 

Le « Rhum Négrita » fut commercialisé pour la première fois à Limoges

ils entretenaient également des relations avec ceux de Bordeaux, ce qui permettait une meilleure livraison des produits d’outre mer comme le rhum, dont les Haut-Viennois raffolaient. II n’est pas étonnant d’apprendre que le « Rhum Négrita » fut commercialisé pour la première fois à Limoges grâce à la distillerie de
Paul Bardinet.

Mais au fil du temps, cet âge d’or s’estompe. Les distilleries ferment emportées par les guerres ou les taxes de plus en plus importantes prélevées par l’Etat. Aujourd’hui, seuls deux établissement limougeauds distillent encore pour le plus grand bonheur de nos papilles en fin de repas. Mais attention, toujours avec modération.

 

pop du centre 01.03.2013

XIX° & XX°S : BARDINET – Les patrons du Second Empire

Extrait de : BORDEAUX ET LA GIRONDE – Les patrons du Second Empire – Hubert Bonin – 1999

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BARDINET

Pendant le Second Empire : Limoges
Une maison appelée Bobin est créée en 1857 à Limoges pour la fabrication de liqueurs et le commerce des vins. François Bobin. son dirigeant, s’associe (pour 100 000 francs) en 1863 à Paul-Augustin-Marie Bardinet ( 1837-1901)(qui fournit 20 000 francs), avant de laisser l’entière propriété et responsabilité de la firme à celui-ci en juin 1865. Ainsi le nom de Bardinet entre-t-il dans l’his­toire commerciale. Bardinet s’associe à son tour, avec un voyageur de commerce, Claude-Auguste Coste, en juillet 1869, celui-ci ne procurant que 20 000 francs, puis, lorsque la société devient une société en nom collectif en 1875, 25 000 francs face aux 125 000 francs levés par Bardinet lui-même. Mais la firme est toujours fïxée à Limoges où, entre 1872 et 1877, Bardinet est juge au Tribunal de commerce.

Après le Second Empire : le glissement de Limoges à Bordeaux
Une étape supplémentaire est franchie en 1879 quand Coste se retire de la société et, surtout, quand, en 1891, le fils de Paul Bardinet, Édouard (1866-1936). s’associe à son père pour monter une firme de commerce des rhums à la Jamaïque, à Saint-Elisabeth. La société de Limoges est bouleversée finalement en 1892 pour accueillir le fils Édouard (50 000 francs) et le gendre Louis Maleyx (50 000 francs), aux côtés de Paul Bardinet lui-même (220 000 francs) – Maleyx décède toutefois dès 1896.

A cette date, Paul Bardinet confie la totale propriété de l’entreprise à son fils Édouard. Or lui-même réside alors à Caudéran, commune limitrophe de Bordeaux, et le contrat est conclu chez un notaire bordelais. Ainsi la firme née sous le Second Empire accède-t-elle à la fin du siècle à la place de Bordeaux, oü les marques de rhums se sont déjà multipliées (Clément, Dillon, Duquesne, etc.), en raison de l’intimité des liens avec les Anlilles et de la poussée de la production de canne à sucre et de l’industrialisation de son traitement.

La société Galibert & Varan, spécialiste elle aussi des rhums et future firme renommée, est créée à Bordeaux en 1850 par Armand Galibert et Fabien Varan, jusqu »alors cadres de la maison de négoce de vins Séguinaud ; avec aussi Ernest Galibert, ils montent une firme consacrée au commerce des vins et à l’importation de rhums, avant de !’orienter dans les années 1870 plus spécifiquement vers le commerce des rhums : ils sont alors rejoints en 1878 par Arthur Séguinaud (1849-1904), gendre d’Armand Galiben et par les neveux de Varan, Paul et Jules Forsans, en 1876 et I 878 : une société durable, sous le nom de Les Neveux de Galibert & Varan entre 1900 et 1923 (quand elle devient une société anonyme), a ainsi pris corps en un quart de siècle. Elle s’affirme clone quelque peu comme l’une des concurrentes directes de Bardinet.

Pourtant, Bardinet déploie au service du rhum un talent commercial plus renommé encore, grâce à un savoir-faire relativement pionnier dans la gestion d’une marque (et de l’image de marque ainsi que du déploiement publicitaire qui l’accompagnent). En effet. Bardinet dépose dès 1886 la marque La Negrita, qu’elle a lancée en 1884. Elle vend en outre du brandy et du cognac sous la marque Old brandy Edwards & Cie, de la fine champagne Paul de Lissac et de la fïne champagne de Baupeyrat, vieux cognacs situés plus haut en gamme, tandis qu’elle distribue aussi quelques liqueurs comme du curaçao.

La «négresse>> au madras bleu qui sert d’emblème au Negrita symbolise
en fait le passage des alcools de qualité modeste, du genre des tafias, à un rhum disposant d’une réputation commerciale stable, fournie grâce à des assem­blages (blend) de rhums des Caraïbes et à un enrichissement au sein des foudres en chêne du Limousin. La percée du rhum serait liée à son efficacité pour aider les soldats à résister aux rudes conditions de vie pendant la guerre de Crimée; celle-ci aurait contribué à la popularité de celle boisson ; mais, en fait, on peut penser que la suppression des droits de douane à l’importation des alcools coloniaux en juin 1854 constitue l’occasion décisive: notons que la firme Bobin est créée à Limoges trois années après ce décret. D’autre part, la percée du sucre de bellerave incite les producteurs de sucre de canne à valoriser celui-ci et à développer sa transformation en rhum.


L’implantation à Bordeaux constitue un second tournant essentiel dans la vie de la société puisqu’elle se rapproche ainsi du principal port d’importation (avec Le Havre), d’un lieu important de consommation (rhum, « café-rhum ») et sur tout d’un port de redistribution sur l’ensemble des contrées atlantiques, notamment dans les régions portuaires fortes consommalriccs d’alcools. telle la Bretagne.

 

L’avenir de la société
Les frères d’Édouard Bardinet, Jean et Ernest Bardinet. le rejoignent au sein de la société en nom collectif en 1902. Le capital apporté par Édouard se chiffre alors à 700 000 francs, ses deux frères procurant seulement 7 000 francs chacun. Cette association est prolongée en 1910 et en 1920, le gendre d’Édouard Bar­dinet, Jean Barennes (1887-1934), la rejoignant en 1919 : ce chartiste et archiviste-paléographe, auteur de nombreux ouvrages d’érudition locale, épouse en effet en 1912 la fille d’Édouard Bardinet et entre dans la maison de négoce. Le statut de société anonyme est finalement adopté en 1924, avec un capital de 6 millions de francs: l’esprit d’entreprise surgi pendant le Second Empire se cristallise ainsi avec l’acquisition de la pérennité sociale nécessaire. D’ailleurs. dès cette époque, Negrita est devenue synonyme de rhum clans les usages quotidiens des consommateurs ; un signe est en fourni par les nombreuses contrefaçons qui surgissent désormais.

La force commerciale et la réputation acquises par Bardinet permettent à la
société de traverser les décennies, notamment la grave crise des rhums vécue par la place bordelaise en 1931, d »occuper plus de la moitié du marché dans les années 1940/1970, d’évincer nombre de ses concurrents (comme le rhum Charleston, de Marie Brizard), bien qu’elle ne parvienne pas à la renommée internationale obtenue par les rhums blancs Bacardi. Mais des dissensions fami­ liales et une relève générationnelle débouchent sur la reprise de la société par une autre entreprise familiale d’origine antillaise, La Martiniquaise (avec les marques Dillon et Old Nick, pour le rhum, Label 5 pour le whisky, etc). au milieu des années 1990; elle est contrôlée par une société holding, la Compa­gnie financière européenne de participations, qui dépend de la famille euro­ antillaise Cayard.

SOURCES
Le centenaire de la sociéré Les Fils de P. Bardinet, Plaquettee commémorative. 1957.
DEYRIES Pierre, histoire d’une sociéré commerciale bordelaise. La société Les Fils de P. Bardinet de 1924 à 1957, mémoire de maitrise d’histoire, Université de Bordeaux 3 (/\. J. Tudesq dir.), 1986.
PÉHAUT Yves, « Le commerce el lïndustrie du rhum à Bordeaux», Les Cahiers d’outre-mer. 1953. pages 352-363.
FOURNET Philippe. « Bordeaux. capitale française du négoce et de l’industrie du rhum, dans Colloque des eaux-de-vie et spirirueux. CNRS, Bordeaux. 1982.

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Source de la page :  BORDEAUX ET LA GIRONDE – Les patrons du Second Empire – Hubert Bonin – 1999

Résumé
Ce dictionnaire correspond au volume VI de la collection Les patrons du Second Empire, dirigée par Dominique Barjot. Il marque une nouvelle avancée de l’enquête engagée par l’Institut d’Histoire moderne et contemporaine du CNRS. Il ne se veut pas une nomenclature de fiches austères et sèches ! C’est au contraire le rassemblement d’une soixantaine de monographies substantielles de familles, de patrons et de leur entreprise. Cela permet une évocation assez fouillée de la vie économique des rives de la Gironde pendant des décennies clés : c’est l’époque en effet où les cahots et parfois, mais juste pendant quelques trimestres, la suspension de l’expansion provoquée par les troubles militaires et politiques de la période révolutionnaire et bonapartiste sont nettement effacés. Après le vif renouveau des années 1820/1830, les années 1840/1880 marquent une nouvelle  » Belle Epoque  » pour le port bordelais. Cependant, comme l’histoire économique et plus particulièrement celle des entreprises, la  » business history « , peuvent sembler rébarbatives, ce Dictionnaire offre au lecteur curieux du destin des hommes une occasion de participer à une histoire  » incarnée  » : les événements, les mutations de l’économie, l’enrichissement du capitalisme de la place, sont mis en scène par les  » héros  » de l’économie, les capitalistes, les patrons  » entrepreneurs « , ceux qui prennent les initiatives d’investir en usines, en navires, en réseaux commerciaux, ceux qui mobilisent et rénovent les savoir-faire des marchands, des banquiers ou des industriels. Le champ de l’investigation est surtout bordelais et girondin, mais ce dictionnaire mène quelques incursions dans les Landes et dans le Périgord, qui ont participé alors à la Première Révolution industrielle sidérurgique et qui méritaient donc d’apparaître ici. Ce dictionnaire ne peut passer pour un ouvrage régionaliste destiné aux seuls  » érudits locaux  » ; en effet, il s’inscrit d’abord dans une enquête nationale et une collection, ce qui permet des comparaisons interrégionales ; et, surtout, chaque monographie s’ouvre sans cesse à des réflexions sur les positions, les parts de marché, occupées par la famille et son entreprise au niveau national, avec une appréciation de son  » retard  » ou de ses  » archaïsmes  » ou au contraire de ses initiatives pionnières. Comme d’ailleurs le port de Bordeaux à cette époque, ce Dictionnaire est largement ouvert aux vents de l’histoire nationale et surtout internationale !

1906 – Montjon Le Gravier devient la maison de famille

Situé près du bourg de Ste Eulalie, le château Montjon le Gravier fut construit au XVIIIème siècle pour François de Montjon, écuyer et conseiller au Parlement de Guyenne. Attribué à l’architecte Victor Louis, il se présente comme un élégant rectangle de pierre flanqué de deux pavillons à étage couverts d’ardoises. Les vastes pièces du rez-de-chaussée s’ouvrent sur une enfilade de larges couloirs. Au centre du bâtiment est implanté un sa-lon en rotonde qui domine le parc et le vignoble.


Le seigneur de Montjon fut guillotiné pendant la Terreur sous la Révolution et la mémoire locale raconte que les arbres de l’allée reliant la route Royale au château, dénommée aujourd’hui « Allée cavalière », furent alors étêtés en signe de deuil.

Chacun des propriétaires de Montjon a contribué à la l’entretien des bâtiments et au développement de l’exploitation agricole.

Racheté vers 1851 par Michel Montané, riche armateur et député girondin au Corps législatif (1852—1857), le château fut restauré et agrémenté d’une grande véranda couvrant la terrasse de la façade nord.

En 1859, Armand Lille devient à son tour propriétaire de Montjon auquel il adjoint la propriété du Marquisat. L’ensemble représente alors 75 hectares dont la moitié est plantée en vignes. Son décès, alors qu’il est maire de la commune de Sainte Eulalie, est suivi d’un difficile partage des biens entre ses héritiers ; Montjon est finalement saisi et vendu aux enchères publiques le 6 mars 1906. Le descriptif de la vente fait état d’un domaine de 36 hectares comportant « joli château, agréments, garenne, pièce d’eau, écuries, remises, logements de paysans, chais de 100 tonneaux, cuvier, huit cuves, pressoir, vaisseaux vinaires, étable pour 20 vaches ; vastes prairies, vignes et terres ; immeubles par desti-nation ».

Edouard Bardinet, négociant bordelais, propriétaire des rhums Négrita, s’en porte acquéreur. Il entreprend un agrandissement du pressoir et des chais, devenus depuis le centre culturel Dutruch. Le chateau est toujours dans la famille et poursuit notamment l’exploitation viticole en Premières côtes de Bordeaux.

Sources :  Association Sainte-Eulalie patrimoine

Voir aussi : Montjon Le Gravier : Photos de Famille

 

1906 : Negrita : la recette du maitre de chai des chartrons

Quand un vieu bordelais, malade, a priori atteint du syndrome de diogene, m’écrit dans les années 2000 pour m’expliquer qu’il a pu vider les chais des chartrons… et qu’il avait beaucoup d’objets dont ce carnet « Recette » du Rhum Negrita en 1906.

j’ai tenté de le convaincre de me transmettre ses objets merveilleux, mais ce mr a disparu, sans laisser de traces, son appartement a du etre vidé….

Montjon le gravier : Photos de Famille


Sir Edward and his Smala – Mars 1914

Photo revisitée pour l’affiche de la cousinade 2023 par Sébastien du Laurens d’Oiselay, fils de Oncle Pierre (+) et Tante Elisabeth (Branche Barennes / Michele)

 

Fond Photographique de Bernard Bardinet 

 

 

1912 : Jean Barennes, l’Archiviste devenu Capitaine d’Industrie

(Note  : Le texte qui suit est une synthèse et une adaptation d’un travail de recherche universitaire mené par Cécile Fonrouge (Branche Barennes), Maître de Conférences à l’Université de Paris-Est. Son étude, intitulée « LE RECOURS A UN MANDATAIRE QUASI EXTERNE : JEAN BARENNES (1887-1934), GENDRE D’EDOUARD BARDINET (1866-1936) – BARDINET S.A. DANS L’ENTRE-DEUX-GUERRES », fut présentée lors des Journées d’Histoire de la Comptabilité et du Management en 2010. Ce travail académique offre un éclairage exceptionnel sur un moment clé de l’histoire de l’entreprise et de notre famille, et nous le remercions pour cette analyse approfondie.)


Au sein de la grande saga des Bardinet, l’histoire de certains personnages clés illustre les moments charnières de l’entreprise. Mon arrière-grand-père, Jean Barennes (1887-1934), fut l’un d’eux. Mari de Michèle Bardinet, la fille aînée d’Edouard, et père de mon grand-père François Barennes, il incarne une période fascinante où un homme de lettres et d’histoire fut appelé par son beau-père à prendre part à une grande aventure industrielle, la menant à travers l’une des plus graves crises de son temps.

Jean & Michèle mes arrière grands parents.

 

Un Recrutement Stratégique

En 1912, mon arrière-grand-père Edouard Bardinet, alors à la tête de l’entreprise florissante, se préoccupe de sa succession. Son fils aîné, Robert, est encore très jeune (il décédera des suites de la Première Guerre mondiale en 1918) et son second fils, Patrick, n’a que 14 ans. Edouard cherche alors un « mandataire quasi externe », un homme de confiance pour le seconder et, à terme, prendre la relève. C’est sur son gendre, Jean Barennes, que son choix se porte.

Pourtant, Jean Barennes n’était pas un homme d’affaires. Archiviste paléographe, diplômé de la prestigieuse École des Chartes, il se destinait à une carrière intellectuelle. La proposition de son beau-père représente un tournant radical, comme il l’écrit lui-même dans une lettre à son propre père le 17 septembre 1912 : « En cas de décès de mon beau-père, sa femme serait à la tête de l’usine. Il lui faudrait quelqu’un de sûr pour être son mandataire… Il dit m’a observé et m’a qualifié de bon administrateur… Il m’a demandé si je ne voulais pas lui permettre de compter sur moi pour lui succéder. »

Face à la perspective d’une « vie très modeste » d’archiviste et au « sacrifice » demandé par son beau-père, il accepte de relever le défi et d’entrer dans le négoce familial.

L’Homme de la Crise

Jean Barennes arrive à un poste de direction à une période cruciale. Il sera aux commandes de « l’usine » durant l’une des plus grandes épreuves traversées par la société : la crise du rhum de 1929-1931. Suite à la faillite de la Compagnie Générale du Rhum (CGR) dans laquelle Bardinet était fortement engagée, l’entreprise subit des pertes colossales de près de deux millions de francs en 1930-1931.

Son journal personnel, précieusement conservé, témoigne des inquiétudes de cette période :

1er Janvier1931 : « Je me préoccupe de la situation économique générale et de nos propres affaires rendues difficiles par la constitution de gros stocks de rhum. […] Nous pouvons redouter de sérieuses secousses financières. Des mesures générales d’économie sont tout à fait nécessaires. »

 

1er janvier 1932 : « Notre participation dans un consortium rhummier a eu en effet les plus fâcheux résultats […]. Nos pertes ont été considérables. »

Pourtant, grâce à une « saine gestion » et une « force commerciale restée intacte », Edouard Bardinet et Jean Barennes parviennent à redresser la barre. Contrairement à de nombreuses autres maisons, Bardinet sortira indemne de la crise et renforcera même sa position de leader sur le marché.

 

Un Double Héritage : Le Négociant et l’Historien

Malgré son immersion totale dans le monde des affaires, mon arrière-grand-père n’a jamais renoncé à sa passion d’historien. Entre 1912 et sa mort prématurée en 1934, il publia pas moins de neuf textes, livres et articles dans des revues historiques prestigieuses.

Plus encore, son mariage avec Michèle Bardinet représentait une alliance stratégique. Par sa grand-mère, Sophie Dubos née Bethmann, Jean Barennes liait la jeune dynastie industrielle des Bardinet à l’une des plus anciennes et puissantes familles du négoce bordelais, apportant à l’entreprise un « capital social » et une notabilité considérables. Son rôle de magistrat au tribunal de commerce ancre encore plus la famille dans les institutions bordelaises.

Michèle Barennes (Bardinet) – Mon arrière grand mère

Conclusion

Bien que son passage dans l’entreprise n’ait duré que 22 ans, le rôle de Jean Barennes fut déterminant. Homme de confiance choisi pour assurer la transition, il fut aussi l’homme providentiel qui aida l’entreprise à surmonter une crise existentielle. Son histoire, celle de l’homme qui fut le père de mon grand-père, illustre parfaitement la complexité, les défis et les stratégies d’une saga familiale et industrielle.

1923, 22 Septembre – Edouard Bardinet recoit la légion d’honneur

Le procès Verbal : (extrait du dossier complet ci dessous)

Le document compte rendu réalisé en souvenir de la fête en l’ohonneur d’edouard Bardinet : (fichier pdf a faire defiler) 

Compte rendu, discours du Commandant Lequerré son beau Frère, discours d’Edouard, réponse de Mr Uteau, représentant du personnel, tres belles photos des usines, famille, objets, tout y est 🙂

A Edouard Bardinet - LEGION D'HONNEUR - 22.09.1923

 

Le dossier des archives de la légion d’honneur : (fichier pdf a faire defiler) 

Leonore_BARDINET_Marie Joseph Edouard